Les origines
Nous ne savons pas exactement depuis quand la thérapie manuelle se pratiquait au japon, mais une vielle chanson japonaise raconte que le dieu Sukuma-Hikona qui est considéré comme l’ancêtre des médecins japonais, guérissait les maladies avec ses mains dans les âges mythologiques :
« Grâce aux mains guérisseuses de Sukuna-Hikona
Quand il frotte, les toxiques tombent
Quand il presse, disparaît le mauvais sang de maladie;
Allez-vous-en vie, maux et maladies ! »
La première vraie médecine commença vers le sixième siècle avec l’importation de la médecine chinoise de la dynastie des Han postérieurs (25-220 après J.C.) qui prit le nom de « Kanpô » en japonais. Cependant, l’origine de cette médecine remonte certainement aux dynasties légendaires des « Trois augustes » Fou-Hi, Chen Nong et Houang-Ti, qui écrivirent respectivement le « Yi-king », livre des Mutations où sont exposées les théories du Yin et du Yang, et des Cinq Eléments ; le « Pen-King » qui est un traité de la pharmacologie et de la médecine par les plantes médicinales ; et le « Nei-King » qui se divise en deux parties : le « Sou-wen » qui traite dela médecine de base telle que la physiologie, l’étiologie, la pathologie, l’hygiène… et le « Ling-Chou » qui traite des principes des « Keiraku » (méridiens) et des physiothérapies telle que l’acupunture, le moxa, la massothérapie, la saignée…
C’est à partir du chapitre consacré aux « Keiraku » que se sont basées toutes les physiothérapies chinoises ; il faut savoir en effet que le massage (Ankyô/Do-In) faisait partie de la médecine de cette époque. Il fut introduit au japon en même temps qu’elle et prit le nom d' »Anma« . Autant que nous sachons, le mot « Anma », apparu pour la première fois en 701 dans un document officiel japonais (Code de Taîho). Il se trouve dans un article concernant le personnel de la section officinale de la Cour impériale. La thérapie d’Anma de cette époque contenait aussi la saignée, le bandage et la manipulation des os.
L’ancien massage chinois importé comme une thérapie médicinale s’est développé au Japon d’une manière particulière. Au début, il se basait sur les principes de l’ancienne médecine chinoise mais au cours du temps, l’Anma classique perdit graduellement sa qualité médicinale et devint finalement une méthode populaire, capable d’être pratiquée par les amateurs qui étaient habiles de leurs mains. Pour redonner à l’Anma sa qualité originale, plusieurs personnes, dont des médecins, publièrent des traités sur l’Anma classique :
- En 1596, S. Hayashi écrivit le « Résumé du Do-In ». En déplorant le courant de son époque où l’Ankyô (Anma) était considéré comme une méthode secondaire dans la médecine, il étudia les livres médicaux classiques et apprit à fond la méthode du Do-In/Ankyô qui était de masser le corps entier et de faire des exercices physiques pour faire circuler le Ki dans le corps.
- En 1713, Ekken Kaibara écrivit le « Yôjô-kun », le chef-d’oeuvre sur l’hygiène parmi les livres écrits au Japon sur ce sujet. « Yôjô » signifie en japonais « Maintenir la vie », c’est à dire, « Comment doit-on vivre longtemps ? » Cet ouvrage n’est pas un simple livre d’introduction ou d’explication sur l’hygiène mais un livre basé sur la croyance ferme de l’auteur qui pensait que maintenir sa santé était une resposabilité morale. Dans ce livre, il explique comment pratiquer l’Anma (massage) et Do-In (exercices physiques)
- Toujours en 1713, C. Miyawaki écrivit le « Do-In Kôketsu-shô » (Initiation au Do-In), dans lequel il explique en détail comment masser le corps entier, en suivant les voies des méridiens pour rétablir la santé
- En 1827, F. Tada écrivit l’Anpuku Zukai » (livre illustré du massage sur le ventre), dans lequel il cite les effets de l’Anma classique
Durant la période d’Edo (1603-1867), malgré plusieurs tentatives comme la plublication des traités cités ci-dessus pour restaurer l’Anma classique, celui-ci perdit presque toute sa qualité médicale. Durant cette même période, le japon resta isolé du monde pendant environ 250 ans. Le pays était fermé aux étrangers et les seules relations existantes avec le monde extérieur n’était que par les rares navires chinois ou hollandais qui accostaient à Nagasaki. C’est à cette époque que la culture japonaise atteignit son plus haut niveau de raffinement. Malheureusement le japon se trouva très en retard dans ses industries économiques et militaires. Le nouveau gouvernementde Meiji (1868-1912) importa activement la civilisation et les technologies avancées de l’occident afin d’arriver le plus tôt possible au niveau des pays industrialisés. Cette attitude créa une forte attirance chez les japonais pour tout ce qui venait de l’occident, y compris la médecine, au détriment de la culture traditionnelle.
L’ancienne médecine japonaise se dégrada vers la fin du 19ème siècle, lorsque le gouvernement de Meiji établit en 1883 une nouvelle loi de la médecine basée sur la médecine européenne qui stipulait que, pour avoir le titre de médecin, il fallait réussir aux examens, dont le programme reposait essentiellement sur les matières de la médecine européenne. Ce programme n’ayant rien de commun avec l’ancienne médecine, il y avait donc obligation pour ceux qui voulaient devenir médecin d’apprendre la médecine européenne. L’ancienne médecine japonaise, n’ayant plus les moyens de former ses successeurs tomba ainsi dans l’oubli malgré plusieurs tentatives pour maintenir sa continuité.
Dans les années 1910, les trois thérapies manuelles américaines (Chiropraxie, Ostéopathie et Spondylothérapie) furent introduites au japon. Elles furent favorablement accueillies par les praticiens autodidactes car celles-ci les aidèrent beaucoup à justifier leurs méthodes (non scientifiques aux yeux des gens rationnelles) au niveau de la médecine moderne. De nouvelles thérapies se développèrent alors si bien que l’on comptait alors plus de 300 méthodes différentes et plusieurs dizaines de millier de praticiens équivalent à celui des médecins. Parmi ces nombreuses méthodes, il y avait le « Shiatsu ». Nous ne savons pas quand et par qui a été créé le Shiatsu. Selon l’opinion commune sur l’origine du Shiatsu, c’est une méthode de traitement empirique, développée à partir du « Kappo », du « Do-In » et de l' »Anma » classique qui s’inspira en partie des théories et des techniques des trois thérapies américaines précités. La réputation du Shiatsu a réellement vu le jour en 1925 lorsque Taikichi Tsukita a écrit le livre « Les secrets des soins pratiques pour la famille ». Ce livre plutôt connu sous le nom de « Aka-hon ». Tsukita présente le Shiatsu comme une nouvelle méthode sérieuse et efficace parmi de nombreuses thérapies populaires, après avoir assisté lui-même aux traitements chez des praticiens en Shiatsu. C’est un des rares livres sur la santé qui est resté un best-seller.
A la suite de l’occupation américaine, en 1947, afin de moderniser et d’assainir le système médical japonais, le gouvernement promulga une nouvelle loi qui réglementait les professions de l’acupuncture, du moxa et de l’anma, mais qui mettait fin à la pratique de toutes les autres actes thérapeutiques (les quelques 300 thérapies populaires). Il accorda aux praticiens 8 ans de sursis (jusqu’en 1955) pour changer de métier. Pendant ces 8 années, le ministère de la santé publique forma une commission d’enquête (composée de professeurs en médecine) chargée d’examiner les qualités thérapeutiques de ces « nouvelles thérapies populaires ». En fin de compte, seul le shiatsu fut accepté par cette commission comme thérapie efficace sans danger, et en 1955, à la suite d’un amendement de la loi de 1947, le mot « Shiatsu », en tant que thérapie, fut officiellement introduit dans les textes pour la première fois. Cette loi obligea tous ceux qui voulaient devenir praticien en shiatsu de suivre deux ans d’étude dans une école autorisée par le ministère de la santé publique avec obligation de passer les examense d’Etat.
Une des premières écoles agréées fut celle de Tokojiro Namikoshi qui enseignait un shiatsu basé sur des principes d’anatomie/physiologie proches de la chiropraxie, de l’ostéopathie et de la spondylothérapie en laissant de coté tout principe énergétique qui a ce moment n’avaient pas les faveurs des japonais, le Japon allait de l’avant en laissant derrière lui beaucoup de principes traditionnels.
Un des élèves de Namikoshi, Shizuto Masunaga réintroduit plus tard les principes énergétiques de la MTC (méridiens, points d’acupuncture, principes de diagnostic basé sur le yin / yang et les 5 éléments…) dans les protocoles de traitement shiatsu. En France, dans les années 1970, les disciplines orientales avaient un bon accueil et le style dit Masunaga, plus proche de ce que les occidentaux attendent d’une discipline asiatique, s’y est développé plus vite que le style Namikoshi. Cependant, au Japon, le style Namikoshi est considéré comme le style thérapeutique officiel. Bien sur, d’autres maîtres participèrent à la constante évolution du shiatsu comme : Ohashi, Kagotani, Tokuda, Yamamoto…
En 1997, le Shiatsu a fait l’objet d’un vote favorable au Parlement Européen de Bruxelles, dans le cadre de la Loi Lannoye-Collins, sur les médecines non conventionnelles et fait parti des huit disciplines, les plus efficaces et dignes d’intérêts, retenues (comme l’ostéopathie, l’homéopathie ou l’acupuncture – Rapport A4-0075/97).
Ce rapport a permis la reconnaissance en France de l’ostéopathie.
En France en 2015, le SPS (Syndicat Professionnel de Shiatsu) a obtenu auprès du RNCP (Répertoire National de la Certification Professionnelle) l’inscription du Titre « Spécialiste en Shiatsu« . Titre reconnu par l’État avec une équivalence Bac + 2.
Sources principales : Traité pratique de Shiatsu par Tsuguo Kagotani edition Guy le Prat